Guide de l’exposition
« Ombre et Lumière »
Sens de la visite - symbolique
La Salle des Banquets :
Nous sommes les bienvenus dans cet espace, ouvert et lumineux, qui nous accueille et nous invite à une visite bien insolite, comme à de chaleureux partages et rencontres.
« Paix sur vous », « Shalom », semble-t-il nous dire, car c’est bien Notre-Dame de la Paix, elle-même, qui nous accueille.
Sommes-nous là sur le seuil d’une exposition, ou (sur celui) d’un voyage en nous-même ?
Les artistes exposants montrent-ils seulement leurs œuvres ? … Ou nous invitent-ils à pénétrer dans leur monde ? … Et, ce faisant, nous aident à explorer le nôtre … ?
… Sommes-nous prêts à risquer l’aventure ?
Entre noir et blanc : tant de déclinaisons.
La Galerie des Portraits nous fait face, et semble nous interroger ironiquement : qui dévisage qui ? Christian Bobin, narquois, ne perd pas une miette de ce qui se passe dans cet espace, œil et sourire en coin.
Au centre des quatre portes, quatre tableaux : tout est là pour apparaître et disparaître, ballet incessant de la Vie.
Et parmi les feuillages, la couleur, chatoyante, semble bien nous faire comprendre qu’elle n’a pas dit son dernier mot.
Au centre de la pièce est dressée la Table de la Fête, celle des réjouissances, de la joie des rencontres et du partage.
Les cloches suspendues nous rappellent que nous émettons chacun un son qui nous est propre, et qu’en conversant les uns avec les autres, nous créons une symphonie, un concert de carillons, qui réunit montagnes et vallées.
Et ces fleurs dans le vase … : nous formons, ensemble et si différents, un magnifique bouquet !
Que la Fête commence !
Et le Voyage aussi !
Le Vestibule des Merveilles :
Là, tout chavire : envolées d’oiseaux dans un rayon d’or, couleur qui jaillit, éclabousse ! Miroitement de lumière, jeu des matières, jusqu’à la transparence.
Et le doux grain de la terre, mille fois travaillé, argile d’où fût tiré Adam dans le Livre de la Genèse, cette terre de laquelle nous naissons, et à laquelle nous retournons; entre ces deux instants, nos existences, sans cesse remodelées.
Elle nous enseigne l’humilité (du terme « humus » : terre), nous conduit à notre intériorité, dans ce monde qui déjoue la raison et reçoit l’inspiration, où l’imagination est mobilisée dans une vision.
La Porte de la Transformation :
Nous voici à la Porte de ce monde souterrain. Ou céleste … qui saurait le dire ?
Nous nous tenons devant elle, et il semblerait bien que nous devions demander une bénédiction pour la franchir.
Les couleurs de la Transformation l’encadrent : le noir et le blanc, hiératiques, et le rouge, dansant.
Évocation du processus alchimique antique, avec son œuvre au noir, au blanc et au rouge, permettant de faire naître la pierre philosophale, la Sagesse.
Évocation de la Khénose (descente aux enfers) et de la Résurrection du Christ, passant par la Croix. Don du Corps et du Sang. Transsubstantiation vécue dans le mystère eucharistique.
Couleurs du feu qui brûle, consume, pour que ne reste qu’un cœur incandescent.
Couleurs du spectacle « Lorca y la Música », et du flamenco.
Couleurs du retournement intérieur permettant une nouvelle vie là où tout semblait n’être que fin, mort. Nouvelle naissance. Résilience. Phoenix : renaître de ses cendres, une fois de plus.
Sommes-nous prêts à quitter l’Ancien pour le Nouveau ?
Sommes-nous prêts à expérimenter ce Passage ?
L’Antichambre des Murmures :
Et plus rien.
Vide. Dépouillement. Silence.
Condition indispensable pour écouter plus loin, et entendre le chant du murmure.
Celui du battement du cœur, de la vie qui pulse dans l’Invisible, du sang qui circule dans les veines, les nôtres et celles du monde.
Celui du Souffle de Vie, discret et fidèle, aussi oublié qu’omniprésent.
Quand il n’y a plus rien, reste l’essentiel – l’Essence-Ciel – qui nous pénètre, nous vivifie.
La Cité d’Or :
Nous y accédons par la droite de l’Antichambre des Murmures, invités par la toile rouge de Raymond DUMOUX, qui nous attend, là, depuis quarante-deux ans.
Et notre regard, attiré par la lumière, comme les papillons de nuit par le réverbère, se suspend aux vitraux, eux-mêmes suspendus au Ciel, qui descendent en douceur au centre de la pièce.
Nous les contemplons en effectuant un premier cercle, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Nous nous accrochons à cette lumière pour, peu à peu, descendre dans les Profondeurs.
Au deuxième tour, nous pouvons admirer ces toiles monumentales qui tapissent les murs.
Rouge, jaune, bleu. Couleurs primaires, permettant toutes les déclinaisons de la Vie.
Les lettres hébraïques de la tenture jaune font face à un drap ancien. Histoire des générations, Destinée de notre Humanité, écrite dans les livres de Sagesse par les Anciens. Écrite par et dans notre chair, dans ces successions de conceptions, de naissances, et d’ensevelissements. Draps blancs de la couche ou du linceul.
Pour le troisième tour, notre regard se porte dans le carré noir au sol, et dans les trésors qu’il contient.
Nous y découvrons, scintillantes, des pièces cylindriques ou pyramidales de lumière colorée, brillantes, telles des gemmes, dans les profondeurs des cavités terrestres. Nos richesses cachées, peut-être … qui ne demandent qu’à être reconnues et révélées.
Et ces cratères, témoins des coins et recoins inexplorés de nos profondeurs, des « coups durs » aussi, reçus dans notre vie, qui nous martèlent l’âme.
Et ces pièces rondes et trouées : des meules. Là aussi, quel enseignement pour celui qui sait regarder ! Comme il nous faut être moulu par les difficultés de la vie, et nos différents relationnels, pour devenir un peu plus « comestibles » les uns pour les autres, et permettre des rencontres qui nourrissent véritablement le cœur. Le grain moulu qui devient pain.
A ce stade, nous amorçons notre remontée, en inversant le sens de notre marche,
tournant maintenant dans le sens des aiguilles d’une montre.
Et nous nous redressons, comme ces trois tours qui se dressent, telles les colonnes de notre temple intérieur, façonnées par les quatre éléments : eau et feu, pour la tour « Château d’eau », terre et air pour la « Tour carrée ». Et cette « Tour pointue », rappelant les pyramides au sol, peut-être reliée à l’élément éther, ce vide entre les particules de matière permettant la circulation du Souffle de Vie, « Ligament d’espérance, maintenant tous les membres entre eux » dit Hildegarde de Bingen. Celui qui unit les quatre autres éléments en une architecture harmonieuse, qui du quatre fait le un, symbole même de la pyramide.
Il est temps, d’ailleurs, de comprendre cette architecture interne gravée par les bâtisseurs, dans nos églises et nos cathédrales romanes : ces symboles essentiels qui nous sont restitués ici.
Le cercle et le chiffre trois : plan céleste, le Divin, la Trinité.
Le carré et le chiffre quatre : plan terrestre, l’Humain.
Comment les deux s’imbriquent-ils l’un dans l’autre, et comment dansent-ils ensemble ?
Les éléments épars au sol pourraient d’ailleurs être ré-agencés en structures harmonieuses :
· Quatre cylindres et quatre pyramides de lumière, pour les quatre points cardinaux : une rose des vents.
· Les trois meules et les trois cratères, deux triangles équilatéraux juxtaposés en étoile : le sceau de Salomon.
Organiser la matière, n’est-ce pas une fonction essentielle de l’esprit ? Le fondement de toute création artistique ? Le défi de toute existence ?
Un dernier tour enfin, et notre regard atteint le cœur, d’où s’élève cette colonne carrée, noire et blanche, fruit de ce mariage de la Lumière avec nos Profondeurs.
Et en son sommet : la « Ville d’Or » !
Petite, fragile même dans sa matière de carton, mais contenant, en germe, toute la structure qui féconde le Monde.
Harmonieuse et lumineuse.
Où chacun a sa place et vit en bonne entente avec l’autre. Ville de Paix. Jérusalem. Derniers chapitres du Livre de l’Apocalypse de St Jean. « Shalom » à nouveau … Notre-Dame de la Paix aurait-elle tenu sa promesse : celle d’une humanité fraternelle et réconciliée ? Serait-ce là le but du Voyage … ?
Le Chemin du retour :
Après nous être imprégnés de cette Cité, nous quittons la pièce en longeant les tentures bleues, et nous nous retrouvons dans l’Antichambre des Murmures, face à deux sculptures lumineuses qui bornent la Porte de la Transformation, et évoquent les trous noirs : ces réalités physiques qui absorbent la matière, la lumière, pour ensuite les restituer en une déflagration de vie. La structure de cette Cité, que nous avons absorbée par notre contemplation, agirait-elle comme une semence contenant la promesse d’une vie nouvelle, dont la réalisation jaillira inéluctablement ?
Nous pénétrons dans la Salle des Banquets et nous nous trouvons à nouveau face, mais de loin, à ces visages et ces corps de la Galerie des Portraits.
Quel regard posons-nous maintenant sur eux ? Ne nous seraient-ils pas plus familiers ? N’y aurait-il pas en nous un espace neuf, une disponibilité plus grande, pour accueillir l’Autre, et voir en lui, non un étranger, mais un proche, un être fait « du même bois » que nous, un frère ?
L’Oratoire de l’Orateur :
Nous achevons notre voyage par un temps de repos, de silence dans l’obscurité, assis sur le siège du poète, face aux sculptures lumineuses.
Tout ce que nous avons contemplé se dépose, comme une semence, dans les couches supérieures du sol, et vit, vibre, en nous, commence à faire ses racines.
Conception. Nidation. Promesse d’une nouvelle Aube.
Nous entourons de silence ce processus invisible, mais réel et fécond.
Le candélabre allumé nous invite à être comme lui, disponible et fidèle, dispensant simplement la lumière qui nous habite par toutes les dimensions de notre être.
Si « ce que dit la bouche est ce qui déborde du cœur » (Luc, 6,45), laissons notre cœur s’imprégner de tout ce que nous avons reçu, et ne nous étonnons pas si nous nous surprenons à prononcer, par la suite, des paroles que nous n’aurions peut-être jamais imaginées auparavant …
La Vie, le Souffle, bien qu’invisibles, impalpables, nous donnent d’être féconds, unissant en nous Matière et Esprit, Ombre et Lumière.